MARCHES PUBLICS – Vices pouvant être invoqués par les tiers au soutien d’un recours de pleine juridiction contestant la validité d’un contrat.

Les tiers à un contrat ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent.

Le Centre Hospitalier X a conclu un marché public avec la Société Y en vue de la fourniture de matériel informatique. La Société Z, concurrent évincé, a contesté la validité de ce marché devant le tribunal administratif. C’est l’occasion, pour la juridiction, de rappeler les conditions dans lesquelles un marché peut être contesté ainsi également que les conditions dans lesquelles des moyens classiques peuvent être soulevés. Par son premier considérant, le tribunal a d’abord clairement rappelé les conditions dans lesquelles un marché public pouvait être contesté. Il retient la motivation suivante :

 « Considérant qu’indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le Juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le Juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du Code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le Juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ces clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le Juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concernées ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ; que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant sur le fondement de l’article L.521-1 du Code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de    2 mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; que la légalité du choix du co-contractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de la signer ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini ; que, toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l’Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ses actes devant le Juge de l’excès de pouvoir jusqu’à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leurs objets ;

Considérant que le représentant de l’Etat dans le département et les membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement des collectivités territoriales concernées, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l’appui du recours ainsi défini; que les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d’une gravité telle que le Juge devrait les relever d’office ».

C’est donc à la lumière de ces conditions de recevabilité que le tribunal a pu notamment examiner trois moyens. Le premier était tiré de l’irrégularité de l’avis d’appel public à la concurrence. La Société requérante soutenait en effet que cet avis d’appel public à la concurrence ne comportait pas les informations nécessaires. Le tribunal rejette néanmoins le moyen en estimant que « toutefois, elle n’établit pas en quoi ce manquement allégué de la personne publique à ces obligations de publicité et de mise en concurrence, l’aurait lésé ou aurait été susceptible de l’aléser eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte ».

La Société requérante soutenait, en deuxième lieu, que le marché aurait dû être alloti. Cependant, le tribunal retient que l’exception à l’allotissement est possible dès lors que « L’allotissement aurait rendu techniquement  plus difficile l’exécution de la prestation ; que, par suite, le pouvoir adjudicataire n’était pas tenu d’allotir ce marché public… ».

A cet égard, le tribunal a rappelé que si le décret N° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif au marché public impose au pouvoir adjudicataire, qui décide de ne pas allotir un marché public répondant à un besoin dont la valeur est égale ou supérieure au seuil de procédure formalisée, de motiver son choix dans les documents de la consultation ou le rapport de présentation, ce décret n’est entré en vigueur qu’à compter du 1er avril 2016, de sorte qu’il n’est pas applicable au marchés public litigieux. Enfin, le tribunal a pu également rappeler que si le pouvoir adjudicataire a l’obligation d’indiquer dans les documents de consultation les critères d’attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre, il n’est en revanche pas tenu d’informer les candidats sur la méthode de notation des offres.

Le tribunal rejette la requête.

Références : TA CAEN 9 Juin 2016, requête n° 1500101.

Mots clés : Marchés publics, contestation de la validité d’un contrat, allotissement, vice en rapport direct avec l’intérêt et lésé, manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, allotissement.