DROIT DU TRAVAIL – Procédure – Réforme

Le Décret 2016-660 du 20-5-2016 pris pour l’application de l’article 258 la loi 2015-990 du 6 août 2015 ayant réformé la procédure prud’homale est publié au Journal officiel du 25 mai 2016. Il modifie en profondeur la Procédure prud’homale. Les principales apports de cette réforme sont :

– l’obligation de production des pièces dès la saisine du conseil de prud’hommes,
– le détail des missions de mise en état par le bureau de conciliation et d’orientation,
– a représentation obligatoire en appel par un défenseur syndical ou un avocat.

La réforme des règles de la procédure prud’homale pour les instances introduites est applicable à compter du 1er août 2016. En voici les principaux changements :

 

1-Le contenu de l’acte de saisine des prud’hommes est complété

La saisine du conseil de prud’hommes doit désormais être faite par requête formée, remise ou adressée au greffe du conseil de prud’hommes. Elle doit contenir, en plus des mentions prescrites à l’article 58 du CPC, un exposé sommaire des motifs de la demande et être accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions ainsi que d’un bordereau énumérant ces pièces (Article R 1452-2 du code du travail). La requête et le bordereau de pièces doivent être établis en autant d’exemplaires que de défendeurs, outre l’exemplaire destiné au conseil de prud’hommes (Art. R 1452-2 alinéa 3 du code du travail). Cela doit permettre au greffe d’annexer ces documents à la convocation adressée par le greffe au défendeur par lettre recommandée avec avis de réception dans laquelle il invite  le défendeur à communiquer ses pièces et prétentions au demandeur avant la séance du bureau de conciliation et d’orientation (BCO). Le greffe lui précise que s’il ne s’y présente pas, l’affaire pourra être jugée au fond sur la base des éléments que la partie adverse a contradictoirement communiqués. Pour les litiges relatifs à un licenciement économique, l’employeur doit adresser au salarié dans les 8 jours suivant réception de la convocation, les éléments qu’il a fournis par lettre recommandée avec accusé de réception, selon le cas aux représentants du personnel ou à l’administration. Dans le même délai, l’employeur fait parvenir ces documents au greffe.

 

2-Suppression de plusieurs règles propres à la procédure Prud’homale

La règle de l’unicité de l’instance est supprimée pour les procédures introduites postérieurement au 1er août 2016. Elle ne sera donc plus une cause d’irrecevabilité d’une instance ultérieure relative au même contrat de travail qu’une précédente instance. En contrepartie, il ne sera plus possible de présenter des demandes nouvelles à tout moment de l’instance prud’homale, y compris en appel.

 

3-Assouplissement de la possibilité de se faire représenter devant la juridiction prud’homale

L’obligation de comparaître en personne et de justifier à défaut d’un motif légitime pour se faire représenter a disparu le 26 mai 2016 lors de l’entrée en vigueur du Décret (Article R 1453-1 du code du travail). A l’exception des avocats, les personnes habilitées à représenter une partie devant le conseil de prud’hommes doivent, comme dans le cadre des procédures orales applicalbles devant le Tribunal d’Instance, le Tribunal de Commerce etc., justifier d’un pouvoir spécial. Ces personnes doivent donc présenter un pouvoir écrit qui l’autorise, devant le BCO, à concilier au nom et pour le compte du mandant et à prendre part aux mesures d’orientation vers une des formations du bureau de jugement (restreinte, normale ou présidée par un magistrat du TGI)

 

4-Le défenseur syndical

Les personnes habilitées à assister ou représenter les parties devant le conseil de prud’hommes restent les mêmes, à l’exception des délégués permanents des organisations syndicales et professionnelles, remplacés par les défenseurs syndicaux dans les instances et appels introduits à compter du 1er août 2016. Les modalités d’inscription sur la liste des défenseurs syndicaux seront fixées par décret avant le 1er août 2016.

 

5-Les conséquences de l’absence d’une partie à l’audience de conciliation et d’orientation dans les instances introduites à compter du 7 août 2015

Lorsque sans motif légitime une partie ne comparaît pas  (en personne ou représentée) à la date prévue pour la tentative de conciliation, le BCO  peut  juger l’affaire en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués (Article L 1454-1-3 du code du travail). Le décret  du 20 mai 2016 précise que lorsque le demandeur ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d’un motif légitime, le BCO peut cependant renvoyer l’affaire à une audience ultérieure du bureau de jugement. Si le défendeur ne sollicite pas un jugement sur le fond, le BCO peut prononcer la caducité de la requête ou de la citation. Cette déclaration de caducité ne peut être relevée que dans certaines conditions :

– dans ce cas, le demandeur est avisé par tous moyens de la nouvelle date de la séance du bureau de conciliation et d’orientation, à laquelle le défendeur est convoqué par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception (Article R 1454-12 du code du travail).

– lorsque  le défendeur  ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d’un motif légitime, le BCO doit juger l’affaire en l’état des pièces et moyens contradictoirement communiqués par le demandeur. Il ne peut renvoyer l’affaire à une audience ultérieure du bureau de jugement, réuni en formation restreinte, que pour s’assurer de la communication des pièces et moyens au défendeur (Article R 1454-13 du code du travail).

 

6-Procédure de mise en état en cas d’échec de la conciliation

La mission de mettre l’affaire en état d’être jugée est confiée à titre principal au BCO en cas d’échec de la tentative de conciliation. Le bureau de jugement peut être amené à y procéder lorsqu’il est saisi directement ou que l’affaire portée devant lui n’est pas en état d’être jugée. Le BCO  fixe, après avis des parties, les délais et les conditions de communication des prétentions, moyens et pièces. Il peut organiser des séances spécialement dédiées à la mise en état et dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter  à une séance ultérieure. La communication entre les parties s’effectue alors par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats. Les parties doivent justifier de ces communications auprès du BCO dans les délais impartis. Le BCO peut entendre les parties en personne, les inviter à fournir les explications nécessaires à la solution du litige et les mettre en demeure de produire dans le délai qu’il détermine tous documents ou justifications propres à éclairer le conseil de prud’hommes (Article R 1454-1 du code du travail).  Lorsque les parties ne respectent pas les modalités de communication, le bureau de conciliation et d’orientation peut radier l’affaire ou la renvoyer à la première date utile devant le bureau de jugement. En l’absence de production des documents et justifications demandés, le BCO peut renvoyer l’affaire devant le bureau de jugement et tirer toute conséquence de l’abstention de la partie ou de son refus (Article R 1454-2 du code du travail). Le BCO peut au besoin désigner un ou deux conseillers rapporteurs qui ont tous les pouvoirs de la mise en état (C. trav. art. R 1454-3 et R 1454-4 réécrit).

 

7-Le BCO peut rendre une décision provisoire

Le BCO peut désormais prendre une décision provisoire récapitulant les éléments devant figurer dans l’attestation d’assurance chômage, pour permettre au salarié de faire valoir ses droits aux allocations de chômage lorsque l’employeur n’a pas délivré cette attestation.  La décision du BCO n’exonère pas l’employeur de son obligation de délivrance. Pôle emploi peut former une tierce opposition contre cette décision dans les 2 mois suivant sa notification par le BCO au Pôle emploi du domicile du salarié (Article R 1454-14 du code du travail).

 

8-Une dérogation à l’oralité de la procédur

Devant le conseil de prud’hommes, la  procédure reste orale sous réserve que, dans les instances introduites à compter du 1er août 2016, toutes les parties sont représentées par un avocat et formulent leurs prétentions par écrit étant précisé que leurs conclusions doivent respecter certaines conditions de forme.  Elles doivent notamment comporter un récapitulatif de leurs prétentions sous forme de dispositif. Le bureau de jugement ou la formation de référé ne statuant que sur les prétentions énoncées dans ce dispositif. Si elles échangent plusieurs jeux de conclusions, les parties doivent déposer des conclusions récapitulatives de les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs écritures antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés (Article R 1453-5 du code du travail).

 

9-Représentation désormais obligatoire devant la Cour d’Appel

La procédure d’appel est profondément modifiée pour les recours formés à compter du 1er août 2016 à l’encontre de jugements du conseil de prud’hommes. Les parties doivent dorénavant être représentées par un défenseur syndical ou, à défaut par un avocat, et l’appel doit être formé, instruit et jugé suivant les règles de la procédure avec représentation obligatoire. Les demandes nouvelles en appel deviennent irrecevables. Le défenseur syndical peut valablement accomplir ou recevoir tous les actes mis à la charge de l’avocat dans le cadre de la procédure avec représentation obligatoire (Articles R 1461-1 et R 1461-2 du code du travail). Les avocats doivent, à peine d’irrecevabilité d’office, remettre à la cour d’appel les actes de la procédure par voie électronique en application de l’article 930-1 du CPC. En pratique, la transmission se fait par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA). Le défenseur syndical, n’ayant pas accès au RPVA, n’est pas assujetti  à cette obligation de transmission numérique et  peut rédiger les actes de la procédure sur papier à condition de les remettre au greffe de la Cour. Dans ce cas, la déclaration d’appel doit être remise au greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de parties destinataires, plus 2. Cette remise est constatée par le greffe par mention de la date et visa sur chaque exemplaire, dont un est immédiatement remis au défenseur syndical (CPC art. 930-2 nouveau).