Cass. 3e civ., 19 mai 2016, n°15-12.408 :

Le préjudice né des manquements fautifs du diagnostiqueur dans sa détection d’amiante correspond au coût du désamiantage.

Cassation d’un arrêt de la Cour d’appel qui, pour rejeter la demande de condamnation du diagnostiqueur à payer le coût des travaux de désamiantage, retient que ce dernier n’est pas responsable de la présence d’amiante mais uniquement de manquements fautifs dans sa détection et que le préjudice de la SCI ne peut donc correspondre au coût du désamiantage qui est supporté par le propriétaire.

Rappelant les dispositions de l’article 10-1 du décret n° 96-97 du 7 février 1996 , dans sa rédaction issue du décret n° 2002-839 du 3 mai 2002, selon lesquelles « un constat sur la présence ou l’absence de matériaux et produits contenant de l’amiante doit être produit lors de toute promesse de vente ou d’achat d’immeuble et que ce constat (…) constitue l’état mentionné » à l’article L. 1334-7 du Code de la santé publique dans sa rédaction applicable en la cause, la Cour de cassation juge que le diagnostic garantit l’acquéreur contre le risque d’amiante et que la cour d’appel, après avoir retenu que l’imprécision des rapports entraînait une responsabilité en conception et en réalisation de cette société, n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations quant à la certitude du préjudice subi par la SCI du fait du surcoût du désamiantage et a ainsi violé les textes susvisés.

Le Décret 2016-660 du 20-5-2016 pris pour l’application de l’article 258 la loi 2015-990 du 6 août 2015 ayant réformé la procédure prud’homale est publié au Journal officiel du 25 mai 2016. Il modifie en profondeur la Procédure prud’homale. Les principales apports de cette réforme sont :

– l’obligation de production des pièces dès la saisine du conseil de prud’hommes,
– le détail des missions de mise en état par le bureau de conciliation et d’orientation,
– a représentation obligatoire en appel par un défenseur syndical ou un avocat.

La réforme des règles de la procédure prud’homale pour les instances introduites est applicable à compter du 1er août 2016. En voici les principaux changements :

 

1-Le contenu de l’acte de saisine des prud’hommes est complété

La saisine du conseil de prud’hommes doit désormais être faite par requête formée, remise ou adressée au greffe du conseil de prud’hommes. Elle doit contenir, en plus des mentions prescrites à l’article 58 du CPC, un exposé sommaire des motifs de la demande et être accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions ainsi que d’un bordereau énumérant ces pièces (Article R 1452-2 du code du travail). La requête et le bordereau de pièces doivent être établis en autant d’exemplaires que de défendeurs, outre l’exemplaire destiné au conseil de prud’hommes (Art. R 1452-2 alinéa 3 du code du travail). Cela doit permettre au greffe d’annexer ces documents à la convocation adressée par le greffe au défendeur par lettre recommandée avec avis de réception dans laquelle il invite  le défendeur à communiquer ses pièces et prétentions au demandeur avant la séance du bureau de conciliation et d’orientation (BCO). Le greffe lui précise que s’il ne s’y présente pas, l’affaire pourra être jugée au fond sur la base des éléments que la partie adverse a contradictoirement communiqués. Pour les litiges relatifs à un licenciement économique, l’employeur doit adresser au salarié dans les 8 jours suivant réception de la convocation, les éléments qu’il a fournis par lettre recommandée avec accusé de réception, selon le cas aux représentants du personnel ou à l’administration. Dans le même délai, l’employeur fait parvenir ces documents au greffe.

 

2-Suppression de plusieurs règles propres à la procédure Prud’homale

La règle de l’unicité de l’instance est supprimée pour les procédures introduites postérieurement au 1er août 2016. Elle ne sera donc plus une cause d’irrecevabilité d’une instance ultérieure relative au même contrat de travail qu’une précédente instance. En contrepartie, il ne sera plus possible de présenter des demandes nouvelles à tout moment de l’instance prud’homale, y compris en appel.

 

3-Assouplissement de la possibilité de se faire représenter devant la juridiction prud’homale

L’obligation de comparaître en personne et de justifier à défaut d’un motif légitime pour se faire représenter a disparu le 26 mai 2016 lors de l’entrée en vigueur du Décret (Article R 1453-1 du code du travail). A l’exception des avocats, les personnes habilitées à représenter une partie devant le conseil de prud’hommes doivent, comme dans le cadre des procédures orales applicalbles devant le Tribunal d’Instance, le Tribunal de Commerce etc., justifier d’un pouvoir spécial. Ces personnes doivent donc présenter un pouvoir écrit qui l’autorise, devant le BCO, à concilier au nom et pour le compte du mandant et à prendre part aux mesures d’orientation vers une des formations du bureau de jugement (restreinte, normale ou présidée par un magistrat du TGI)

 

4-Le défenseur syndical

Les personnes habilitées à assister ou représenter les parties devant le conseil de prud’hommes restent les mêmes, à l’exception des délégués permanents des organisations syndicales et professionnelles, remplacés par les défenseurs syndicaux dans les instances et appels introduits à compter du 1er août 2016. Les modalités d’inscription sur la liste des défenseurs syndicaux seront fixées par décret avant le 1er août 2016.

 

5-Les conséquences de l’absence d’une partie à l’audience de conciliation et d’orientation dans les instances introduites à compter du 7 août 2015

Lorsque sans motif légitime une partie ne comparaît pas  (en personne ou représentée) à la date prévue pour la tentative de conciliation, le BCO  peut  juger l’affaire en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués (Article L 1454-1-3 du code du travail). Le décret  du 20 mai 2016 précise que lorsque le demandeur ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d’un motif légitime, le BCO peut cependant renvoyer l’affaire à une audience ultérieure du bureau de jugement. Si le défendeur ne sollicite pas un jugement sur le fond, le BCO peut prononcer la caducité de la requête ou de la citation. Cette déclaration de caducité ne peut être relevée que dans certaines conditions :

– dans ce cas, le demandeur est avisé par tous moyens de la nouvelle date de la séance du bureau de conciliation et d’orientation, à laquelle le défendeur est convoqué par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception (Article R 1454-12 du code du travail).

– lorsque  le défendeur  ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d’un motif légitime, le BCO doit juger l’affaire en l’état des pièces et moyens contradictoirement communiqués par le demandeur. Il ne peut renvoyer l’affaire à une audience ultérieure du bureau de jugement, réuni en formation restreinte, que pour s’assurer de la communication des pièces et moyens au défendeur (Article R 1454-13 du code du travail).

 

6-Procédure de mise en état en cas d’échec de la conciliation

La mission de mettre l’affaire en état d’être jugée est confiée à titre principal au BCO en cas d’échec de la tentative de conciliation. Le bureau de jugement peut être amené à y procéder lorsqu’il est saisi directement ou que l’affaire portée devant lui n’est pas en état d’être jugée. Le BCO  fixe, après avis des parties, les délais et les conditions de communication des prétentions, moyens et pièces. Il peut organiser des séances spécialement dédiées à la mise en état et dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter  à une séance ultérieure. La communication entre les parties s’effectue alors par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats. Les parties doivent justifier de ces communications auprès du BCO dans les délais impartis. Le BCO peut entendre les parties en personne, les inviter à fournir les explications nécessaires à la solution du litige et les mettre en demeure de produire dans le délai qu’il détermine tous documents ou justifications propres à éclairer le conseil de prud’hommes (Article R 1454-1 du code du travail).  Lorsque les parties ne respectent pas les modalités de communication, le bureau de conciliation et d’orientation peut radier l’affaire ou la renvoyer à la première date utile devant le bureau de jugement. En l’absence de production des documents et justifications demandés, le BCO peut renvoyer l’affaire devant le bureau de jugement et tirer toute conséquence de l’abstention de la partie ou de son refus (Article R 1454-2 du code du travail). Le BCO peut au besoin désigner un ou deux conseillers rapporteurs qui ont tous les pouvoirs de la mise en état (C. trav. art. R 1454-3 et R 1454-4 réécrit).

 

7-Le BCO peut rendre une décision provisoire

Le BCO peut désormais prendre une décision provisoire récapitulant les éléments devant figurer dans l’attestation d’assurance chômage, pour permettre au salarié de faire valoir ses droits aux allocations de chômage lorsque l’employeur n’a pas délivré cette attestation.  La décision du BCO n’exonère pas l’employeur de son obligation de délivrance. Pôle emploi peut former une tierce opposition contre cette décision dans les 2 mois suivant sa notification par le BCO au Pôle emploi du domicile du salarié (Article R 1454-14 du code du travail).

 

8-Une dérogation à l’oralité de la procédur

Devant le conseil de prud’hommes, la  procédure reste orale sous réserve que, dans les instances introduites à compter du 1er août 2016, toutes les parties sont représentées par un avocat et formulent leurs prétentions par écrit étant précisé que leurs conclusions doivent respecter certaines conditions de forme.  Elles doivent notamment comporter un récapitulatif de leurs prétentions sous forme de dispositif. Le bureau de jugement ou la formation de référé ne statuant que sur les prétentions énoncées dans ce dispositif. Si elles échangent plusieurs jeux de conclusions, les parties doivent déposer des conclusions récapitulatives de les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs écritures antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés (Article R 1453-5 du code du travail).

 

9-Représentation désormais obligatoire devant la Cour d’Appel

La procédure d’appel est profondément modifiée pour les recours formés à compter du 1er août 2016 à l’encontre de jugements du conseil de prud’hommes. Les parties doivent dorénavant être représentées par un défenseur syndical ou, à défaut par un avocat, et l’appel doit être formé, instruit et jugé suivant les règles de la procédure avec représentation obligatoire. Les demandes nouvelles en appel deviennent irrecevables. Le défenseur syndical peut valablement accomplir ou recevoir tous les actes mis à la charge de l’avocat dans le cadre de la procédure avec représentation obligatoire (Articles R 1461-1 et R 1461-2 du code du travail). Les avocats doivent, à peine d’irrecevabilité d’office, remettre à la cour d’appel les actes de la procédure par voie électronique en application de l’article 930-1 du CPC. En pratique, la transmission se fait par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA). Le défenseur syndical, n’ayant pas accès au RPVA, n’est pas assujetti  à cette obligation de transmission numérique et  peut rédiger les actes de la procédure sur papier à condition de les remettre au greffe de la Cour. Dans ce cas, la déclaration d’appel doit être remise au greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de parties destinataires, plus 2. Cette remise est constatée par le greffe par mention de la date et visa sur chaque exemplaire, dont un est immédiatement remis au défenseur syndical (CPC art. 930-2 nouveau).

 

Monsieur et Madame X se sont portés acquéreurs d’une maison à usage d’habitation dont un pignon s’est effondré quelques jours après leur emménagement.

La Cour d’appel d’Angers a retenu la responsabilité des vendeurs sur le fondement de la garantie des vices cachés, au motif qu’ils ne pouvaient ignorer la dangerosité que présentait la boursouflure apparue sur le pignon, compte tenu des importants travaux qu’ils avaient réalisés sur la maçonnerie, l’époux travaillant de surcroît dans le domaine du bâtiment, sans que les acquéreurs aient pu eux-mêmes, en tant que profanes en matière de bâtiment, appréhender les risques inhérents à cette boursouflure.

Elle a également retenu la responsabilité de l’agence immobilière, en lui reprochant de n’avoir pas à tout le moins attiré l’attention des acquéreurs sur l’anormalité de la situation.

La Cour a par ailleurs mis hors de cause le notaire rédacteur de l’acte de vente, attrait sur la procédure par l’agence immobilière.

Celle-ci a été condamnée à garantir les vendeurs, reconnus responsables de l’entier préjudice subi par les acquéreurs (comprenant les travaux de reprise, le préjudice de jouissance et le préjudice moral), à hauteur de 95 % au titre de la perte de chance de ne pas contracter (ou de contracter à un prix inférieur pour tenir compte des travaux nécessaires) et de ne pas supporter de préjudice de jouissance et de préjudice moral.

Références : Cour d’appel d’Angers, 07 juin 2016, RG n°14/01176

Mots clés : vente immobilière, responsabilité, vices cachés, perte de chance, préjudice de jouissance

Monsieur X a sollicité un certificat d’urbanisme pour la réalisation d’une construction sur un terrain situé au sein d’une Commune dépourvue de plan local d’urbanisme. Le Maire de la Commune, par décision prise au nom de l’Etat, lui a refusé ce certificat d’urbanisme au motif que le terrain se situe en dehors des parties actuellement urbanisées de la Commune. Monsieur X a contesté cette décision en invoquant, notamment, deux moyens. Le premier tiré de l’erreur d’appréciation commise par l’autorité administrative sur la situation du terrain ; le second tiré du fait que le Maire n’aurait pas consulté préalablement le gestionnaire du réseau public de distribution d’eau et d’électricité. Le tribunal rejette la requête en estimant que le terrain se situe bien dans une partie non actuellement urbanisée de la Commune, en retenant la motivation suivante :

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée O-A N°996 située au lieu-dit H, sur le territoire de la Commune de Y propriété de Monsieur X, sur laquelle il souhaite construire une maison d’habitation de 150 M² sur un lot A de 1 700 M² qui en est issue, est situé à environ 2 KM du centre bourg de Y, lequel n’est doté ni d’un plan local d’urbanisme opposable aux tiers, ni de document d’urbanisme en tenant lieu ; que cette vaste parcelle de 2 071 M² se trouve au lieu-dit H, qui ne comporte qu’une quinzaine de constructions, dans une zone essentiellement rurale, comme cela ressort le la photographie satellite produite en défense ; que, si une des constructions du hameau sur une vaste parcelle jouxte le terrain d’assiette, il ressort des pièces du dossier que ce terrain s’ouvre sur les 3 autres cotés sur une vaste zone de prés ou de terres cultivés dépourvus de construction ; que, dans ces conditions, la parcelle en cause ne serait être regardée comme appartenant à une partie actuellement urbanisée de la Commune, au sens des dispositions de l’article L.111-1-2… ».

En revanche, le tribunal a estimé que la décision du Maire était illégale dès lors que le Maire n’avait pas consulté la Société ERDF et les gestionnaires du réseau public de distribution d’eau pour s’assurer de la desserte en électricité et en eau de ce terrain. Mais, le tribunal retient que cette illégalité n’a pas eu d’incidence sur le refus du certificat d’urbanisme dès lors que le Maire de Y « aurait pris la même décision indiquant que l’opération n’est pas réalisable s’il ne s’était fondé que sur l’un ou l’autre des motifs précédemment évoqués, tiré ce de que le terrain d’assiette du projet n’est pas compris dans une partie urbanisée de la Commune, et est de nature à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants… ».

Le tribunal rejette donc la requête.

Références : TA CAEN 31 Mai 2016, requête n° 1502107.

Mots clés : L.111-1-2, principe de constructibilité limitée, partie actuellement urbanisée de la Commune, R.111-14, Code de l’urbanisme, urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants

Les tiers à un contrat ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent.

Le Centre Hospitalier X a conclu un marché public avec la Société Y en vue de la fourniture de matériel informatique. La Société Z, concurrent évincé, a contesté la validité de ce marché devant le tribunal administratif. C’est l’occasion, pour la juridiction, de rappeler les conditions dans lesquelles un marché peut être contesté ainsi également que les conditions dans lesquelles des moyens classiques peuvent être soulevés. Par son premier considérant, le tribunal a d’abord clairement rappelé les conditions dans lesquelles un marché public pouvait être contesté. Il retient la motivation suivante :

 « Considérant qu’indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le Juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le Juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du Code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le Juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ces clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le Juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concernées ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ; que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant sur le fondement de l’article L.521-1 du Code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de    2 mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; que la légalité du choix du co-contractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de la signer ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini ; que, toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l’Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ses actes devant le Juge de l’excès de pouvoir jusqu’à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leurs objets ;

Considérant que le représentant de l’Etat dans le département et les membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement des collectivités territoriales concernées, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l’appui du recours ainsi défini; que les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d’une gravité telle que le Juge devrait les relever d’office ».

C’est donc à la lumière de ces conditions de recevabilité que le tribunal a pu notamment examiner trois moyens. Le premier était tiré de l’irrégularité de l’avis d’appel public à la concurrence. La Société requérante soutenait en effet que cet avis d’appel public à la concurrence ne comportait pas les informations nécessaires. Le tribunal rejette néanmoins le moyen en estimant que « toutefois, elle n’établit pas en quoi ce manquement allégué de la personne publique à ces obligations de publicité et de mise en concurrence, l’aurait lésé ou aurait été susceptible de l’aléser eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte ».

La Société requérante soutenait, en deuxième lieu, que le marché aurait dû être alloti. Cependant, le tribunal retient que l’exception à l’allotissement est possible dès lors que « L’allotissement aurait rendu techniquement  plus difficile l’exécution de la prestation ; que, par suite, le pouvoir adjudicataire n’était pas tenu d’allotir ce marché public… ».

A cet égard, le tribunal a rappelé que si le décret N° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif au marché public impose au pouvoir adjudicataire, qui décide de ne pas allotir un marché public répondant à un besoin dont la valeur est égale ou supérieure au seuil de procédure formalisée, de motiver son choix dans les documents de la consultation ou le rapport de présentation, ce décret n’est entré en vigueur qu’à compter du 1er avril 2016, de sorte qu’il n’est pas applicable au marchés public litigieux. Enfin, le tribunal a pu également rappeler que si le pouvoir adjudicataire a l’obligation d’indiquer dans les documents de consultation les critères d’attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre, il n’est en revanche pas tenu d’informer les candidats sur la méthode de notation des offres.

Le tribunal rejette la requête.

Références : TA CAEN 9 Juin 2016, requête n° 1500101.

Mots clés : Marchés publics, contestation de la validité d’un contrat, allotissement, vice en rapport direct avec l’intérêt et lésé, manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, allotissement.

 

Dans un arrêt en date du 1ier juin 2016 promis à la plus large diffusion, la Cour de cassation rappelle une nouvelle fois la portée de la décision n°2013-672 DC rendue le 13 juin 2013 par le Conseil Constitutionnel en matière d’accords de prévoyance laquelle, tout en déclarant l’article L912-1 du Code de la Sécurité Sociale inconstitutionnel, prévoit que cette déclaration d’inconstitutionnalité « n’est toutefois pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de cette publication et liant les entreprises à celles qui sont régies par le Code des assurances, aux institutions relevant du titre III du Code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du Code de la mutualité ».

La notion de « contrats en cours » renvoie à l’accord collectif de branche désignant le gestionnaire du régime de prévoyance, lequel s’impose donc aux entreprises jusqu’à son terme.

La notion de « contrats en cours » doit-elle s’entendre des actes contractuels en cours liant les entreprises relevant du champ d’application de la convention collective aux organismes assureurs désignés par les partenaires sociaux, ou s’agit-il de l’acte de nature conventionnelle signé par les partenaires sociaux désignant le gestionnaire du régime de prévoyance ? La chambre sociale de la Cour de cassation avait privilégié la seconde interprétation dans un arrêt du 11 février 2015 (Cass. soc., 11 févr. 2015, n°14-13.538). Elle persiste et signe dans cette voie dans un arrêt du 1er juin 2016 en décidant que l’accord collectif national du 8 décembre 2011 relatif au régime de prévoyance des salariés cadres et assimilés, conclu dans le cadre de la convention collective nationale de la pharmacie d’officine du 3 décembre 1997 et étendu par arrêté du 19 décembre 2012, étant en cours lors de la publication de la décision du Conseil constitutionnel de juin 2013, l’ensemble des employeurs entrant dans le champ d’application de l’accord collectif restait tenu d’adhérer au régime géré par l’organisme désigné par les partenaires sociaux.

Comme souligné dans la note explicative de l’arrêt, « tous les dispositifs conventionnels, conventions et avenants conclus avant le 13 juin 2013, en cours, continuent d’être régis par l’article L.912-1 du Code de la Sécurité Sociale et de s’imposer aux entreprises jusqu’à leur terme ».

Cass. soc. 11-5-2016 n° 14-29.512

Même lorsqu’un salarié n’a pas acquis l’intégralité de ses droits à congés payés, le seuil de déclenchement des heures supplémentaires ne peut pas être supérieur au plafond légal de 1 607 heures de travail par an.

Un salarié est engagé en 2013 par une entreprise appliquant un dispositif conventionnel d’aménagement du temps de travail sur l’année. Ayant effectué 1 750,58 heures de travail au cours de son année d’embauche, il réclame un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires.

Le conseil de prud’hommes accueille sa demande. Pour le juge prud’homal, toute heure effectuée au-delà du plafond de 1 607 heures annuelles doit être considérée comme heure supplémentaire.

L’employeur se pourvoit en cassation. Il soutient qu’en application de l’accord d’entreprise d’aménagement du temps de travail, la durée annuelle de travail effectif d’un salarié engagé à temps plein est égale à 1 607 heures seulement pour les salariés bénéficiant d’un droit à congés complets (30 jours ouvrables). Le salarié ne peut bénéficier de cette mesure puisqu’il n’a pas acquis l’intégralité de ses droits à congés payés au titre de la période de référence prévue par l’accord.

La chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Pour elle, il résulte des dispositions de l’article L 3122-4 du Code du travail dans leur rédaction issue de la loi 2008-789 du 20 août 2008 que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires ne peut pas être supérieur au plafond légal de 1 607 heures de travail par an, même lorsqu’un salarié n’a pas acquis l’intégralité de ses droits à congés payés au titre de la période de référence prévue par l’accord collectif d’aménagement du temps de travail.

La Cour de cassation transpose ici aux accords collectifs d’aménagement du temps de travail sa solution rendue à propos des accords de modulation. En effet, elle a déjà jugé, pour la période antérieure à la loi 2008-789 du 20 août 2008, que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires étant fixé par la loi à 1 607 heures, le fait que le salarié n’ait pas pu prendre 25 jours ouvrés de congés payés était indifférent (Cass. soc. 14-11-2013 n° 11-17.644). La solution est la même lorsque le salarié n’a pas exercé l’intégralité des droits à congés pourtant régulièrement acquis (Cass. soc. 15-5-2014 n° 13-10.468).

Cass. soc. 19-5-2016 no 14-28.245

Quel est le degré de gravité de la faute commise par un salarié qui accuse faussement son employeur de violences ? Pour la Cour de cassation, il revient aux juges du fond d’en décider.

Le salarié qui porte de fausses accusations de violences envers un supérieur hiérarchique commet une faute justifiant son licenciement. Mais quel est le degré de gravité de cette faute ? L’employeur doit-il se placer sur le terrain de la faute simple, constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, ou considérer que l’intéressé a commis une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail ?

L’ancienneté du salarié : une circonstance atténuante pour la cour d’appel

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 19 mai 2016, le salarié avait été licencié pour faute grave après avoir faussement accusé son supérieur hiérarchique de lui avoir porté des coups. Les juges du fond, tout en admettant la réalité des faits reprochés à l’intéressé, avaient considéré qu’ils ne caractérisaient pas une faute grave, mais une simple cause réelle et sérieuse de licenciement. Ils avaient en effet estimé que ces griefs n’étaient pas de nature à justifier la rupture immédiate du contrat de travail, car le salarié justifiait d’un peu plus de 3 ans d’ancienneté.

La solution pouvait étonner. Si les juges du fond retiennent fréquemment l’ancienneté du salarié à titre de circonstance atténuante, la durée de 3 ans semble assez faible. D’autant plus qu’en l’espèce, l’employeur pouvait se prévaloir des antécédents disciplinaires du salarié. En outre, l’accusation de violences portées par l’intéressé contre son collègues aurait pu être lourde de conséquences pour ce dernier, s’il n’était pas parvenu à prouver le caractère mensonger de ces accusations.

En formant un pourvoi en cassation, l’employeur pouvait espérer obtenir la censure de la décision des juges du fond. Mais pour la Cour de cassation, « la cour d’appel, prenant en considération l’ancienneté du salarié, a pu retenir que les faits ne rendaient pas impossible son maintien dans l’entreprise ».

La Cour de cassation s’en remet à l’appréciation des juges du fond

Dans cette affaire, l’employeur fait les frais de la récente évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de contrôle de la faute grave.

La Haute Cour a longtemps exercé un contrôle strict sur les décisions des juges du fond en matière de faute grave. Considérant qu’un fait est ou non de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et, partant, constitutif d’une faute grave, elle n’hésitait pas à censurer les décisions des juges du fond qui n’auraient pas interprété correctement les faits qui leur étaient soumis, ou à confirmer leur interprétation par une décision de principe (voir par exemple, en matière d’atteinte à la dignité, Cass. soc. 19-1-2010 n° 08-42.260 ; de violence sur un subordonné, Cass. soc. 22-3-2007 n° 05-41.179).

Mais la position de la Cour de cassation a évolué. Désormais, elle limite son contrôle aux erreurs manifestes de qualification commises par les juges du fond au regard des faits fautifs qu’ils ont constatés. Dès l’instant qu’ils n’ont pas commis une telle erreur de qualification, elle s’en remet à leur appréciation (Cass. soc. 25-9-2013 nos 12-16.168 et 12-19.464 ; Cass. soc. 12-3-2014 n° 13-11.696).

La Cour de cassation laisse donc une plus grande latitude aux juges du fond pour exercer leur pouvoir d’appréciation. Cette position devrait limiter le nombre des pourvois en cassation sur la qualification de la faute invoquée à l’appui du licenciement. Mais elle peut contribuer à rendre la jurisprudence moins homogène, les faits pouvant être appréciés différemment selon les cours d’appel. L’arrêt du 16 mai 2016 en donne une illustration.

Il n’y a pas d’adaptation mineure lorsque la dérogation autorisée par le permis de construire résulte d’une exception expressément prévue par le règlement du Plan Local d’Urbanisme.

Monsieur X a demandé l’annulation d’un permis de construire en soutenant, notamment, que celui-ci avait illégalement autorisé une adaptation mineure.

Plus précisément, l’article UA6 du règlement du Plan Local d’Urbanisme litigieux imposait des constructions édifiées à l’alignement des voies existantes. Or, le projet comportait un retrait d’un peu moins de 3 Mètres par rapport à l’alignement des voies existantes. Le Maire de la Commune avait justifié ce permis de construire par l’existence d’une adaptation mineure. Mais, le tribunal a estimé qu’il ne s’agissait pas là d’une adaptation mineure dès lors que ladite dérogation était expressément prévue par le Plan Local d’Urbanisme.

Plus précisément, le tribunal a retenu la motivation suivante :
« Considérant qu’aux termes de l’article UA6 du règlement du Plan Local d’Urbanisme sur l’implantation des constructions par rapport aux voies ayant prises publiques : « Les constructions doivent d’une part être implantées dans les conditions prévues dans le titre II « règles et définitions communes aux zones », et d’autre part respecter les règles d’implantations suivantes :1. Les constructions ou parties de constructions, exception faite des saillies traditionnelles inhérentes aux gros œuvres des bâtiments, répondant aux caractéristiques définies en annexe doivent être édifiées à l’alignement des voies existantes, à modifier ou à créer, ou, le cas échéant, respecter les marges de recul reportées au plan de zonage.2.Sauf impossibilité technique liée à la configuration de la parcelle, à la topographie du terrain ou à une organisation rationnelle des bâtiments sur la parcelle, l’implantation des constructions doit se faire à l’alignement des voies existantes (sont considérés comme voies, les accès d’une largeur supérieure ou égale à 4 Mètres) ou suivant la ligne d’implantation dominante définie par les constructions avoisinantes (…).3. Des retraits ponctuels limités pourront être admis sous réserve que la construction permette de conserver l’effet dominant de l’alignement sur rue (…) » ;

Considérant que le bâtiment tel qu’il ressort du permis de construire modifié prévoit à son angle situé à l’est, et à la patte d’oie des rues (…), un léger retrait de moins de 3 Mètres par rapport à l’alignement des voies existantes et de l’ancienne limite de propriété sur une longueur de moins de 10 Mètres ; que ce retrait peut être considéré comme un retrait ponctuel limité au sens du 4. de l’article UA6 qui permet de conserver l’effet dominant de l’alignement tant sur la rue de (…) ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

Considérant que, par voie de conséquence, c’est inutilement que les requérants soutiennent que ce retrait ne peut entrer dans le champ de l’application « des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes » prévu par l’article L.123-1-9 du Code de l’urbanisme alors applicable.

Le tribunal rejette par conséquent la requête estimant qu’il n’y a pas d’adaptation mineure lorsque l’exception est prévue par la règle du règlement du plan local d’urbanisme.

Références : TA CAEN 31 Mai 2016, requête n° 1600176.
Mots clés : PLU, adaptation mineure, dérogation, exception, article L.123-9 du Code de l’Urbanisme, désormais codifié aux articles L.153-12 à L.153-15.

En application des dispositions du code de l’environnement, seul le propriétaire riverain est tenu à l’entretien régulier d’un cours d’eau.

À la suite d’une inspection réalisée par les services de la direction départementale des territoires, un préfet de département a indiqué au maire de la commune de X que le contrôle réalisé avait fait apparaître un manque d’entretien des berges d’une rivière ainsi que la présence de barrières et barbelées en travers du cours d’eau créant autant d’obstacles à l’écoulement des eaux et provoquant des désordres hydrauliques. Le préfet de département a adressé des courriers aux propriétaires riverains de cette rivière afin de leur rappeler leurs obligations en matière d’entretien. Estimant que le nécessaire n’avait pas été fait, le maire de la commune de X a informé l’une des propriétaires qu’elle était amenée à faire réaliser des travaux. Néanmoins, les agents de la direction départementale des territoires et de la mer ont constaté d’une part, la présence de nombreuses embâcles et de barbelées en travers du lit et d’autre part que les berges étaient insuffisamment entretenues et que deux passages busés étaient sous dimensionnés. Ces temps ces conditions que le maire de la commune a enjoint aux salariés gérant la propriété de faire le nécessaire et qu’à défaut ces travaux seraient commandés par la commune et qu’un titre exécutoire correspondant serait émis.

Le salarié de la propriétaire concernée, destinataire de cette mise en demeure, l’a contestée devant le tribunal admiratif, lequel a estimé qu’il ne pouvait pas être redevable de l’obligation d’entretien. Il retient la motivation suivante :

« Considérant qu’aux termes de l’article L.215-14 du code de l’environnement : « sans préjudice des articles 556 et 557 du Code civil et des chapitres I, II, IV et VII du présent titre, le propriétaire riverain est tenu à un entretien régulier du cours d’eau (…) », que selon l’article L.215-16 du même code : « si le propriétaire ne s’acquitte pas de l’obligation d’entretien régulier qui lui est faite par l’article L.215-14, la commune, le groupement de communes ou le syndicat compétent, après une mise en demeure restée infructueuse à l’issue d’un délai déterminé dans laquelle sont rappelées les dispositions de l’article L.435-15, peut y pourvoir d’office à la charge de l’intéressé. » ; qu’il ressort des pièces du dossier que la mise en demeure querellée a été adressée à Monsieur Y alors qu’il est constant qu’il n’est pas propriétaire riverain mais salariés ; que la circonstance que le maire a également pu exiger de Madame Z, propriétaire riverain et employeur de Monsieur Y, les travaux d’entretien du cours d’eau et de ses berges et que ces travaux soient ensuite supervisés ou effectués par Monsieur Y ne peuvent avoir d’effet sur la légalité de la mise en demeure adressée à Monsieur Y ; que, dès lors, il y a lieu de prononcer son annulation. »

C’est donc bien au seul propriétaire qu’incombe l’obligation d’entretien des cours d’eau et des berges.

Références : TA  Caen  21 janvier 2016, requête N° 1501296.

Mots clés : environnement, entretien des berges et cours d’eau, mise en demeure